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Rachel Langlais "Chaque son devenait un personnage, un paysage, un objet ou une idée"

En concert au festival Super Flux avec son projet Dothe, la pianiste Rachel Langlais s'est confié sur son travail, son instrument et ses projets.

Comment s'est construit votre rapport au piano ?

À la base, je ne suis pas pianiste. J'ai commencé enfant par l'orgue liturgique et l'orgue dit "de variété", puis quatre ans de pratique du piano à l'adolescence. La vie étudiante et de jeune adulte m'a fait ensuite bifurquer vers l'accordéon et les synthétiseurs. Je n'avais pas forcément les finances et la place pour posséder un piano à cette époque. Bien plus tard, j'ai tenté de trouver un "vrai" métier. Je voulais quand même garder un lien avec la musique et le souvenir de mes cours de piano avec mon excellent professeur Gérard Lecam m'a alors instinctivement amené à passer un CAP accordeur de piano. Je n'ai jamais réellement exercé car j'étais trop fascinée par les battements créés entre deux cordes lors de l'accordage et trop lente dans mon travail pour pouvoir faire un bon accord. Mais cette pratique m'a fait découvrir un nouveau monde pianistique : la variété du son, de timbre via les différents accords, les tempéraments et la préparation.

Qu'est-ce qu'un piano préparé ?

La préparation sur un instrument, que ce soit le piano ou la guitare, est une technique de jeu étendue de l'instrument. Par l'ajout d'éléments qui lui sont extérieurs, on cherche à modifier ou à développer de nouveaux timbres auxquels l'instrument n'était pas destiné au départ. Par exemple, avec de la patafix ou de l'adhésif de tapis de danse sur les cordes, on obtient un son plus boisé, plus percussif. En y incorporant des aimants ou bien des boulons, on peut aussi créer des sons de cloches.

Comment est né le projet Dothe ?

L'écriture de ce disque est née au cours des deux mois où le monde s'est arrêté. Ma formation s'était achevée depuis moins d'un an et j'avais enfin un chez-moi assez grand pour accueillir deux pianos : l'un qui avait connu la pluie dehors et qui ne craignait plus rien, l'autre que j'avais retapé de A à Z grâce à mon ancien maître de stage à Tours, Maxime Daudin. Je disposais donc du temps et des ressources pour mettre à profit mes acquis de formation.

J'ai tout d'abord cherché des sons en insérant différents objets dans le piano et en testant aussi des accordages divers. J'enregistrais tout ce que je faisais et j'ai donc construit au fur et à mesure mes morceaux en rajoutant d'autres pistes de piano selon mes envies. En parallèle, je mixais pour mettre en évidence tout ce que j'entendais quand j'avais la tête dans le piano ou bien tout ce que je fantasmais d'entendre, via l'artificialisation du mixage. Très vite chaque son devenait un personnage, un paysage, un objet ou une idée qui me permettait de me raconter une histoire.

Esthétiquement, on se situe où ?

Je n'y ai jamais trop pensé dans le processus de création... Je dirais que c'est de la musique instrumentale qui tend à se rapprocher des musiques minimalistes et contemporaines, plutôt que des musiques jazz ou expérimentales. Je crois qu'il y a une part très cinématographique, assez narrative finalement, mais aussi très méditative, tout en restant loin du new age.

Quant aux influences, même si je n'ai pas une écriture aussi élaborée, je me suis beaucoup nourrie de Debussy et de Bartók. Depuis longtemps, je joue Mikrokosmos de Bartók et sa méthode a beaucoup accompagnée
Dothe. Pour le côté minimaliste, je citerais Pauline Oliveiros, Franco Battiato et Suzanne Ciani. Pour le rythme et la différence d'accordage, Horse Lords et Kyle Gann. Même si ma musique n'est pas forcément empreinte de cela, j'écoutais beaucoup Emahoy Tsegué-Maryam Guèbrou.

Une autre influence esthétique, c'est la littérature, notamment la fantasy ou la science-fiction : j'aime qu'on me narre une histoire. Durant la création de Dothe, je lisais La Main gauche de la nuit d'Ursula K. Le Guin, Et quelquefois j'ai comme une grande idée de Ken Kesey et Les Frères Karamazov de Dostoïevski. Quelque part, je me suis créée la bande son de mes lectures.

En concert le dimanche 2 avril à 16h au Petit faucheux à Tours